Témoignages : Thérèse C- Marie-Josèphe - Madeleine
Geneviève
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Bien souvent, quand un détenu entre en détention, c’est d’abord le désespoir, la colère contre la société qui n’est « même pas capable » de les comprendre ; puis après un long temps de perturbation intérieure, il y a un temps de réflexion : « oui, j’ai fait une connerie, je n’aurai pas dû ; je dois payer… et enfin un temps où la personne se reconstruit. Le regard change. Je peux le dire en toute vérité, car je l’ai vu de mes yeux.
Chacun, chacune semble, au départ, être dans un tunnel, où rare sont ceux et celles qui acceptent de penser qu’au bout de ce tunnel il y a une petite lumière d’Espérance
Martial me dit : « j’ai appris, grâce à vous, que je peux garder espoir et nos pas nous guident vers la lumière ».
Que ce soit à l’aumônerie chez les hommes, à l’atelier de tricot chez les femmes, ou avec la correspondance, j’ai toujours devant moi des êtres humains à qui je dois essayer de faire comprendre qu’il ou elle est capable d’autre chose que ce qui l’a amené dans ce lieu. Je veux l’aider à grandir dans son humanité, à reconstruire une vie brisée qui a basculé en très peu de temps. Je veux l’aider à l’élever au-dessus de sa faute, à devenir. Je me sens engagée dans cette tâche. Que puis-je faire sinon apporter une présence, un témoignage par le regard, une attention par l’écoute. Ils sont souvent immatures, désespérément seuls.
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On est marqué à tout jamais quand on s’investit dans le monde carcéral.
Il y a beaucoup d’amour à donner, un amour vrai. Pas n’importe quel amour. Il faut apprendre à le donner. Ils ont besoin d’écoute d’amitié pour mûrir.
Bernard m’écrit : « quand je vois des gens comme vous, votre compréhension, votre simplicité, votre volonté à venir à l’aumônerie, j’ai remarqué que n’aviez aucun préjugé et que vous êtes des êtres de cœur. Quand je vous entends parler, vous n’avez aucune amertume. La croyance que vous avez, vous savez la transmettre aux autres. Je pense que croire peut apporter un peu de réconfort en chacun d’entre nous. » Je ne peux pas agir sans la tendresse de Dieu.
Pourquoi le détenu est-il là ? La plupart du temps, je ne le sais pas. Ça ne me regarde pas. Je ne suis pas là pour le juger. Ce n’est pas mon rôle. Pourtant Claudine m’explique et me raconte :
« Geneviève, tu sais pourquoi je suis là ? »(Je ne la connais que depuis 2 ans)
« Oh non, tu sais bien que je ne questionne pas et que tu n’es pas obligée de me dire quoi que ce soit » !
« Si je vais te le dire… Et elle me raconte tout ce qui s’est passé.
Naturellement j’écoute et suis un peu ahuri ! mais, je ne juge pas et ne montre rien. C’est ainsi…
Souvent, très souvent, le ou la détenu(e) n’a pas connu d’amour, celui de son enfance en particulier. Il ou elle a été blessé(e) quelque part et il y a des cicatrices qui ne se ferment pas, ou difficilement. Grandir sans amour…
Françoise me dit : « Geneviève depuis que je te connais, tu m’as apportée toute l’affection que je n’ai pas reçu durant mon enfance ! »
Je déteste entendre dire : « ils sont bien là pour quelque chose. Il faut qu’ils paient. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. » Qui me permet de porter ce jugement ? « Que celui qui est sans péché, lui jette la première pierre » ;
Xavier Emmanuelli dit : « Il n’y a pas de salauds, mais des enfants perdus. »
Au cours des diverses rencontres que j’ai, il y a des moments mystérieux. Le seigneur passe. Quand c’est trop lourd à porter, à ce moment là ils peuvent parler.
« Si tu savais Geneviève comme j’ai changé, je ne suis plus le même. Alors je lui réponds : « Tu te reconstruis, ton regard a changé et tu deviens adulte : »
Le détenu demande à être reconnu comme une personne.
Il y a parfois du désespoir. Françoise m’écrit : « C’est dur dur pour mon moral. Crois-tu que je mérite cette souffrance ? » ou alors Martial m’écrit : »Grâce à vous je peux garder espoir. »
Sidouane, un moine du mont Athos dit : « Prier pour les hommes et pour les femmes veut dire, donner le sang de son propre cœur ».
Je suis consciente de beaucoup recevoir. J’ai beaucoup de respect pour chacun et ils me le rendent bien.
Il faudrait que les détenus(es) soient davantage préparés pour la sortie. Ils idéalisent leur vie à l’extérieur et ils ne peuvent qu’être déçus parce qu’ils en attendent trop. Il y a beaucoup de récidivistes. C’est bien sûr un rêve de penser que pour chacun il y ait un accompagnateur ; quelqu’un qui les aide à reprendre pied dans un monde qui évolue sans cesse. Car souvent, ils se sentent rejetés par la société et aussi parfois par la famille et ils sont seuls. La vie rebascule.
Je termine par une phrase d’Emile SCHOUFANI : « Jésus est venu pour convertir le regard de l’homme, c’est la seule voie de salut pour l’humanité. »
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